Maelstrom ● Stacie McCormick
Du 9 février au 9 mars 2023
BLOOM Galerie - Saint Tropez
Poétique des tourbillons de l’eau, l’œuvre de l’artiste Stacie McCormick s’impose
comme une pulsion méditative débordant de spontanéité apparente, toutefois
trompeuse. Car en réalité, son accomplissement résulte d’une pratique d’un geste
réflexif et répétitif, d’une maîtrise de l’élan artistique, attendant l’alignement des
conditions nécessaires à la réalisation d’une expérience créatrice unique.
Cette quête par le geste atteint son niveau de paroxysme dans l’expectative d’un
moment en devenir, dans ce qui serait une dialectique de la transformation par l’opsis,
une vision picturale de l’océan imaginaire ; le regard sur l’abysse, paisible et courroucé
à la fois. Or, la rencontre avec l’œuvre de Stacie McCormick paraît rejeter toute idée
manichéenne des opposés amenant la conscience à se pencher sur le miroir aux
illusions où l’ego s’évanouit pour renaître pacifié. Autrement, comme le rappelle
Nietzsche, menace toujours, le souvenir du Mal : « […] si tu regardes longtemps l’abîme,
l’abîme regarde aussi en toi ». L’eau, les courants et les marées forment les puissances
du monde aquatique où le mouvement des vagues, diurnes ou nocturnes, révèle une
nature indomptée qui dialogue avec l’inconscient. Pratique de subjugation chez
McCormick, appelant par sa peinture à atteindre les limites des profondeurs les plus
obscures à l’intérieur de soi, le pigment noir-bleuté dévoile l’ultime lumière. L’exposition
Maelstrom, Majestic Meditations, invite le visiteur à plonger dans ces mers de jet
représentées dans leurs états les plus expressifs pour nous éclairer depuis l’eau
ténébreuse.
Sans y voir totalement une réminiscence de l’expressionnisme abstrait, dont le critique
d’art Clement Greenberg s’était fait le défenseur le plus notoire dans l’Amérique des
années quarante et cinquante, la stylistique de Stacie McCormick nous renvoie à une
abstraction ultracontemporaine, plus métaphysique, et liquéfiée, peut-être. Il est
impossible de ne pas songer à Pierre Soulages et ses reflets de la « couleur noire », le
noir-lumière, lorsque le noir apparaît si majestueux dans le sillon de la peinture
informelle du génie français ; mais aussi, à cette dimension orientalisante du trait et des
concepts d’illimité, présents dans la calligraphie japonaise révélant l’importance du vide
et de la forme contemplative de l’art. Le jeu esthétique, quasi calligraphique, se
rapproche chez McCormick d’une tentative d’atteindre le Sublime, avec pour médium le
corps entier de l’artiste, se mêlant aux mouvements des outils choisis pour appliquer la
peinture, à l’huile, l’acrylique ou l’encre, destinés à l’œuvre, glissant fluide sur la
planitude des supports, toile ou papier.
Hypnotique par ses courbes entrelacées ne semblant pas trouver de fin, la profondeur
du noir-bleu rencontre l’eau dans l’usage brutal de l’encre sur des esquisses violentées.
La peinture introduit ainsi des paysages liquides et des espaces insaisissables, entre la
surface et les abîmes de l’océan auquel McCormick est intimement liée. Les œuvres
travaillées en séries par l’artiste font toujours surgir une vision de l’abstrait initiatique,
s’étendant comme un ciel de minuit ravi de sa densité dont l’esprit semble flotter sur les
eaux, achronique. Au commencement, se trouve ce champ d’énergie méditatif qui
scande le rythme de la vie ; moment crucial où se dévoile le mystère ultime,
l’illumination.
Les toiles de Stacie McCormick pourraient symboliser une hermétique de l’œuvre au
noir, premier opus de la transmutation alchimique ; là où le bouddhisme zen y verrait
l’immédiateté de la Présence comme source de la conscience. Outre la concentration,
la contemplation est un saut dans le vide ; un arrachement des conditionnements pour
atteindre la libération. L’exposition Maelstrom, Majestic Mediations a pour volonté de
transmettre une perception multiple de l’œuvre d’art tant par sa force esthétique que
par sa dimension métaphysique.